Entrepreneure ou entrepreneuse : quel féminin de entrepreneur ?
Doit-on dire entrepreneur ou entrepreneuse ? C’est la question qui fâche aux repas de famille et qui scinde les avis en deux.
Féminin de entrepreneur, qu’est-ce qu’on dit ?
Si vous êtes en train de vous lancer à votre compte, vous vous posez sans doute la fameuse question à mille points : c’est quoi le féminin d’entrepreneur ? Est-ce qu’on dit entrepreneure ou entrepreneuse ?
Chez Sorority Club, nous privilégions le terme d’entrepreneuse. À nos yeux, utiliser entrepreneure, ou sa version masculine, revient à accepter que l’entrepreneuriat n’est qu’un monde masculin où les femmes ne peuvent être entendues (au sens linguistique et littéral).
Cela pose la question de la féminisation de certains termes où les noms de métiers sont plutôt genrés au féminin, tel que serveuse (on ne dit pas serveure) ou encore infirmière. .
Pourquoi sont-ils plus acceptables qu’entrepreneuse ?
Voici un tour d’horizon des différentes options pour choisir ce qui vous convient le mieux entre entrepreneure, femme entrepreneur ou entrepreneuse.
Souvent, sans même que l’on ne s’en rende compte, les mots que l’on utilise véhiculent certains sous-entendus sexistes.
Entrepreneur : garder un masculin “neutre”
Entrepreneur reste le terme générique pour désigner la personne qui entreprend. Sauf qu’il est genré au masculin. Et malgré ce que l’on peut dire, et ce que soutient l’Académie Française, le masculin n’est pas si neutre que ça.
Si vous faites la merveilleuse expérience de taper ‘entrepreneur’ dans votre moteur de recherche, regardez les images. Dans les premiers résultats, ce sont uniquement des hommes en costard-cravate-lunettes qui ressortent. (Oui, c’est le full package 3 en 1).
C’est sans doute très loin de l’image que vous renvoyez.
On sait toutes qu’un des plaisirs extrêmes quand on bosse derrière son ordinateur, c’est de pouvoir rester en jogging toute la journée.
Se désigner comme étant un entrepreneur met totalement de côté votre individualité en tant que femme à la tête de son entreprise. Et c’est bien dommage car en plus de renforcer l’invisibilisation, cela façonne l’imaginaire commun à rester dans cette idée que seuls les hommes entreprennent. La parité réelle devient difficile à atteindre.
Femme entrepreneur : féminiser sans perdre le masculin
Deuxième option pour le féminin d’entrepreneur : se dire femme entrepreneur. Ces termes permettent de sortir de cette fameuse invisibilisation.
Néanmoins, ils mettent votre genre avant votre métier et continuent d’utiliser ce masculin générique. Ce qui n’est pas une mauvaise chose si cela ne vous dérange pas, mais les chefs d’entreprise ne se nomment jamais des “hommes entrepreneurs”.
Accoler ce “femme” en premier, convoque malheureusement des stéréotypes de genre plus présents et biaise la perception.
C’est comme pour les artistes.
Lorsque l’on parle de “femme artiste” et qu’on analyse un tableau où des taches de rouge sont visibles, on va mentionner la maternité, les règles, la fertilité et ainsi de suite. Si on décrit cette œuvre en pensant qu’un homme en est à l’origine, on va plutôt avoir tendance à dire que ce rouge incarne la violence, la guerre, etc.
Se dire femme entrepreneur, c’est un peu la même chose : ce n’est pas faux grammaticalement mais ça sous-entend différentes choses que les féministes remettent en question.
Entrepreneure ou entrepreneuse ?
On en arrive à la fameuse question qui fâche : dit-on entrepreneure ou entrepreneuse ?
Petit point linguistique : seul le mot “entrepreneuse” existe dans notre cher dictionnaire Le Larousse. Les mots qui ont un suffixe latin en -eur se féminisent en -euse.
C’est notamment le cas pour heureux/heureuse ou contrôleur/contrôleuse. Les exemples sont nombreux. Pour les termes en -teur, la terminologie féminisée devient -trice. Ainsi le facteur devient factrice, et l’auteur une autrice.
Le mot d’entrepreneure avec un E à la fin nous vient d’un néologisme québécois qui a vu le jour dans les années 1970. En France, il n’est pas présent dans les différents dictionnaires mais son emploi est très très fréquent. À un point où le mot d’entrepreneure a un usage majoritaire.
Parce que, dans une société patriarcale qui n’aime pas la féminisation des termes, le féminin entrepreneure ne s’entend pas à l’oral. D’autant plus que les suffixes en -euse convoquent parfois des sous-entendus assez sexistes et/ou sexuels dans l’imaginaire commun.
L’exemple d’entraîneuse revient souvent.
Cependant, c’est important de pointer du doigt que le mot “entrepreneuse”, en plus d’être correct linguistiquement, permet de sortir de l’invisibilisation à l’oral.
Et puis dire “entrepreneureeee” quand on parle à une autre personne, c’est vachement moins pratique.
L’importance de féminiser les termes
Quoi qu’il arrive, le plus important reste de faire le choix qui vous convient le mieux.
Exposer les différentes options ici permet surtout de comprendre les divers sous-entendus liés. Implicitement les expressions que l’on utilise façonnent notre inconscient et sont le reflet d’une considération différente entre les hommes et les femmes.
Et même si ça n’a l’air de rien comme ça, utiliser le genre féminin de certaines expressions permet de créer de nouveaux possibles et de renouveler des images parfois un peu vieillottes et stéréotypées (oui, je parle encore de ce mec en costard cravate qui incarne l’”entrepreneur parfait”).
Il ne faut pas oublier que cette féminisation n’est pas nouvelle. Au Moyen-Âge les noms de métier avaient tous, ou presque, une déclinaison féminine. Peintre devenait peintresse et médecin se transformait en médecine.
Surtout, ces titres féminins montrent qu’une autre réalité propre aux femmes qui entreprennent existe.
Alors non, l’entrepreneuriat féminin n’est pas le reflet d’une supposée essence féminine qui fait que les femmes sont plus douces, plus empathiques et mettent du rose partout. Tout cela reste le résultat d’une société patriarcale qui sociabilise différemment, et ce dès l’enfance, les hommes et les femmes.
Les questionnements féministes vont plus loin que la simple féminisation des termes. Parce que cela reste une conception binaire des choses. Le mieux reste d’utiliser des termes épicènes, c’est-à-dire neutres. Par exemple, “freelance” ou encore “personne qui entreprend” peuvent être des alternatives pour sortir de cette binarité et appréhender tous les genres.